LES
MARQUEURS BIOLOGIQUES DU REMODELAGE OSSEUX
D. ARDELEAN*, H. WEIZANI*, A.
EYQUEM**
Mots-clés : Ostéoporose, ostéoformation,
résorption osseuse, ostéocalcine, pyridinoline, télopeptides
du collagène.
LES MARQUEURS DU REMODELAGE OSSEUX
L'ostéoporose est caractérisée par une perte osseuse
due à un déséquilibre entre l'ostéoformation
et l'ostéorésorption. Ces anomalies du remodelage osseux peuvent
être quantifiées par la mesure de marqueurs biologiques qui
sont un reflet global à l'échelle du squelette. Il s'agit,
soit de la mesure d'une activité enzymatique spécifique des
ostéoblastes ou ostéoclastes, soit de la mesure de la matrice
osseuse relarguée dans la circulation lors de la formation ou de la
résorption osseuse.
Les marqueurs de formation sont essentiellement la phosphatase alcaline
osseuse, l'ostéocalcine et les peptides d'extension du procollagène
.
Pour les marqueurs de résorption, à côté des
marqueurs classiques peu spécifiques que sont la calciurie, l'hydroxy
prolinurie et la phosphatase acide tartrate résistante (TRAP), ce
sont les agents de pontage du collagène (pyridinoline et
désoxypyridinoline) qui apparaissent comme les plus performants.
L'utilisation de ces marqueurs permet d'avoir une vue dynamique du
métabolisme osseux et de disposer ainsi d'informations plus sensibles
sur le risque fracturaire, laprédictivité de la perte osseuse
et le suivi d'un traitement.
Key words : Osteoporosis, bone formation, resorption, pyridinoline,
osteocalcin, type I collagen telopeptide.
BONE TURN OVER MARKERS
Osteoporosis is a bone loss due to a lack of balance between bone formation
and bone resorption. These bone turn over anomalies may be quantified by
the measurement of biologic markers which are a global reflect of the bone
state. It is the measurement of specific enzymatic activity of the osteoblasts
or osteoclasts, or the measurement of the bone matrix products released in
the circulation during bone formation or resorption.
Bone formation markers are bone alkaline phosphatase, osteocalcin and
procollagen type I extension peptides.
Beside classic and run specific markers such as urinary calcium, urinary
hydroxiproline and tartrate-resistant acid phosphatase (TRAP), the collagen
crosslinks agents (pyridinoline and deoxypyridioline) appears to be the more
per formant markers for the bone resorption.
Those markers give a dynamic view of the bone metabolism. They permit
to get more informations on the fracture risk, the prediction of bone loss
and the follow up of the treatment.
Le remodelage osseux s'effectue selon un cycle de résorption-formation
au sein d'unités fonctionnelles de remodelage, les BMU (Bone Modeling
Units).
L'activité globale résultant de ces processus peut être
reflétée par la mesure d'une activité enzymatique ou
par la mesure des produits de formation ou de dégradation de l'os.
Dans 1'ostéoporose, un déséquilibre du remaniement osseux
est très souvent présent. Ainsi, une diminution de l'activité
ostéoblastique apparaît comme étant la principale
caractéristique de l'ostéoporose de cause stéroidienne,
tandis qu'une accélération de la résorption osseuse
semble être un des événements primaires de la perte osseuse
post ménopausique.
Mais ces perturbations du remodelage osseux sont modérées et
les modifications des paramètres classiques du métabolisme
phosphocalcique sont trop faibles pour être utiles en pratique courante.
La distinction entre les deux types de mécanisme nécessite
encore des méthodes invasives ou coûteuses, telle que la biopsie
de la crête iliaque, qui n'apportent que des renseignements sur le
site de ponction mais ne donnent pas un reflet global du remodelage osseux,
ou l'ostéodensitométrie biphotonique qui permet d'évaluer
la perte osseuse (soit pour le corps entier, soit pour des régions
osseuses déterminées).
Compte tenu de la faible sensibilité de cette dernière technique,
la variation ne devient détectable que pour une perte supérieure
à 4% de la masse osseuse, correspondant à plus d'un an
d'évolution sans traitement.
Les récents progrès dans le domaine des marqueurs biochimiques
du métabolisme osseux ont permis, en association avec l'évaluation
densitométrique de la masse osseuse, de mieux caractériser
les pathologies du remodelage osseux.
En raison du couplage entre la formation et la résorption osseuse,
le fait de traiter les marqueurs de formation et de résorption
séparément est purement didactique. En pratique courante, en
fonction de la pathologie recherchée, on utilise simultanément
le dosage d'un marqueur de résorption et d'un marqueur de formation.
MARQUEURS DE L'OSTÉOFORMATION
La formation osseuse peut être évaluée par le dosage
des molécules suivantes
-
les phosphatases alcalines totales, ou mieux, les iso formes spécifiques
osseuses,
-
l'ostéocalcine (ou GLA protéine ou BGP Bone GI..A
Protein),
-
les peptides d'extension du collagène de type I.
Les phosphatases alcalines sériques
La mesure de la phosphatase alcaline dans le sérum est la plus
communément utilisée comme marqueur d'ostéoformation.
On distingue plusieurs groupes d'isoenzymes:
-
placentaire,
-
intestinale,
-
osseuse, hépatique, rénale.
Les phosphatases alcalines osseuses, hépatiques et rénales
sont codées par le même gène et elles diffèrent
entre elles principalement par le degré de glycosylation ou de sialilation
responsable de leurs propriétés variées (stabilité
chimique ou à la chaleur, comportement électrophorétique,
etc.).
L'activité sérique totale est constituée par l'addition
des activités de trois isoformes qui ont la répartition suivante:
-
hépatique 60-70%
-
osseuse 30-40%
-
intestinale < 5%
L'isoenzyme osseuse est libérée dans la circulation sanguine
lors de l'activation ostéoblastique. Elle a une demi vie de 1,6 jour
et présente une clairance hépatique, donc son métabolisme
peut être influencé par les affections hépatiques ou
certains médicaments (1).
Plusieurs méthodes de dosage ont été décrites,
telles que l'inactivation par la chaleur, la précipitation par la
lectine ou l'électrophorèse sur gel d'agarose, mais ces techniques
manquent de sensibilité pour l'exploration des ostéoporoses.
Un progrès réel a été apporté par
l'utilisation d'anticorps monoclonaux reconnaissant l'isoenzyme osseuse;
la réaction croisée avec la phosphatase alcaline hépatique
est de 10-20%. Cette réaction croisée peut induire, en cas
de pathologie hépatique, des valeurs faussement élevées.
L'isoenzyme osseuse n'étant pas éliminée par le rein,
son dosage peut être utilisé comme marqueur du remodelage osseux,
même chez les patients souffrant d'une insuffisance rénale
chronique.
L'ostéocalcine
L'ostéocalcine est une des plus abondantes protéines non
collagéniques de l'os (les autres protéines non collagéniques
présentes dans la matrice extracellulaire de l'os sont
lostéonectine, l'ostéopontine, les sialoproteines osseuses).
C'est un peptide monocaténaire de 49 AA, comportant trois résidus
d'acide gamma carboxy glutamique (en position 17, 21,24) qui lui confèrent
une forte affinité pour l'hydroxyapatite (11). Elle présente
deux structures hélicoidales antiparallèles situées
respectivement au niveau des AA 16-25 et 30-41, stabilisées par un
pont disulfure entre les AA 23-29. Ces structures hélicoidales sont
calcium dépen dantes. Les extrémités C et N terminales
sont proches entre elles et pounaient partager des AA pour former un site
antigénique. Sa synthèse est assurée exclusivement par
les ostéoblastes au cours de la phase de minéralisation de
l'ostéoide sous l'action du calcitriol et de la vitamine K.
Le gène codant la synthèse d'une protéine prépro
ostéocalcine est situé chez l'homme sur le chromosome 1. La
préproostéocalcine est constituée d'un peptide signal
de 23 AA, d'un propeptide de 26 AA et de l'ostéocalcine native 1-49.
Le peptide signal est clivé dans le réticulum endo plasmique.
La proostéocalcine subit ensuite une modification dépendante
de la vitamine K qui conduit à la carboxylation des acides glutamiques
GLU en GLA.
Après clivage du propeptide, l'ostéocalcine native est enfin
sécrétée dans le milieu extracellulaire où elle
est incorporée dans la matrice osseuse. Une petite frac tion (15-30%)
d'ostéocalcine nouvellement synthétisée est relarguée
dans la circulation générale où elle peut être
dosée. L'ostéocalcine n'étant pas relarguée lors
de la résorption osseuse, sa concentration sanguine consti tuera un
excellent marqueur de formation osseuse (6).
Elle a une demi vie courte d'environ 5 minutes, en raison d'un métabolisme
rénal et hépatique intense.
Le rôle précis de l'ostéocalcine sur l'os est encore
mal élucidé. Elle régulariserait la minéralisation
de la matrice osseuse par fixation aux cristaux d'hydroxyapatite grâce
à ses résidus glutamiques. Elle interviendrait dans le processus
de la résorption osseuse par deux mécanismes
-
chimiotactisme positif vis à vis des monocytes et macrophages du sang
périphérique,
-
différenciation des cellules préostéoclastiques en
ostéoclastes et stimulation de l'activité de ces dernières.
Au niveau sérique, à côté de l'ostéocalcine
intacte 1-49, différents fragments (résultant de l'action des
en zymes trypsiques) peuvent être retrouvés :1-19, 1-43, 20-43,
20-49, 44-49. Cette importante hétérogénéité
des formes circulantes explique en partie les difficultés
rencontrées lors de dosages de l'ostéocalcine.
Il existe de nombreuses techniques de dosage de l'ostéocalcine dont
les résultats divergent. Ces différences sont liées
au manque de standardisation des dosages.
Les premiers dosages développés reposaient sur le principe
de compétition et étaient appelés hétérologues
car ils utilisaient de l'ostéocalcine d'origine bovine purifiée
comme standard et des Ac anti ostéocalcine bovine.
Les dosages plus récents basés sur la méthode sandwich
utilisent des réactifs d'origine humaine (dits homologues). Bien que
les taux sériques d'ostéocalcine soient bien corrélés
avec le niveau de formation osseuse, des discordances existent entre ces
techniques. Ainsi, le taux sérique est fortement influencé
par:
- l'instabilité de la molécule intacte
Lorsque des sérums ne sont pas congelés rapidement (dans l'heure
qui suit le prélèvement), il se produit une dégradation
de la molécule intacte avec accumulation du fragment 1-43. Avec des
techniques de dosage de l'ostéocalcine intacte 1-49, une diminution
importante des taux peut être observée si l'échantillon
n'a pas été congelé dans l'heure qui suit le
prélèvement.
Si le délai entre le prélèvement et le dosage ne peut
être respecté, l'utilisation d'une technique de dosage reconnaissant
de manière égale l'ostéocalcine intacte et son fragment
1-43 serait plus appropriée.
- la spécificité des anticorps utilisés
Elle est liée à la nature des épitopes reconnus par
l'anticorps. Il est important de déterminer si l'anticorps reconnaît
l'ostéocalcine intacte seulement ou s'il reconnaît d'autres
fragments (principalement le fragment N terminal). Chez les sujets normaux
et les sujets ostéoporotiques, l'ostéocalcine intacte, le fragment
N terminal 1-43 et les petits fragments représentent chacun respectivement
environ un tiers du taux. En revanche, chez les sujets insuffisants rénaux,
chez qui il existe une accumulation sérique du fragment 1-43, ce dernier
représente plus de 50% de l'ostéoealcine totale (8).
- la nature des anticorps utilisés
Les premières techniques par compétition utilisaient des anticorps
polyclonaux dirigés contre l'ostéocalcine bovine (du fait de
la grande homologie entre les deux molécules d'ostéocalcine).
Les dosages mis au point actuellement utilisent des anticorps monoclonaux
dirigés contre l'ostéocalcine humaine.
- certains anticorps sont calcium dépendants
Il faut donc proscrire dans ces cas tout prélèvement sur EDTA.
- la nature de l'étalon
Les premiers dosages par compétition utilisaient l'ostéocalcine
bovine comme standard et traceur. Les dosages les plus récents utilisent
des standards humains.
- la carboxylation de l'ostéocalcine
La transformation des GLU en GLA dépend du statut vitaminique K du
sujet. En cas de carence en vi tamine K, l'ostéocalcine sera
sécrétée sous forme décarboxylée et, ne
se fixant pas à la matrice osseuse, sera relarguée dans la
circulation. Le résultat dépendra de la spécificité
du dosage; si les formes carboxylée et décarboxylée
de l'ostéocalcine sont reconnues de façon identique, une
augmentation du taux pourrait être interprétée comme
le reflet d'un haut remodelage osseux, alors qu'en réalité
il existe un déficit de l'ostéocalcine carboxylée. Chez
les sujets souffrant d'ostéoporose sénile, le taux de la forme
décarboxylée est bien corrélé au risque fracturaire
mais il n'existe pas de trousses commercialisées pour le dosage en
routine.
Les concentratjons élevées d'ostéocalcine sont
trouvées habituellement dans les situations où la formation
osseuse et la minéralisation sont augmentées. Une augmentation
transitoire est observée pendant la préménopause chez
la femme bien portante. Lors de l'ostéoporose post ménopausique,
une grande dispersion des valeurs est observée du fait du polymorphisme
de la maladie.
Dans tous les cas, le taux d'ostéocalcine revient à des niveaux
normaux à la suite d'un traitement hormonal substitutif.
Dans l'ostéoporose sénile, on constate une augmentation de
l'ostéocalcine décarboxylée circulante du fait d'une
déficience probable en vitamines K et D. Ces taux élevés
d'ostéocalcine décarboxylée sont corrélés
à une densité osseuse basse et à un risque fracturaire
élevé.
Ainsi, l'ostéocalcine est un marqueur très utile de suivi
thérapeutique chez les patients ostéoporotiques.
Les propeptides du procollagène de type I
Le collagène de type I est le plus abondant des constituants organiques
de la matrice osseuse (90%). Il est synthétisé par les
ostéoblastes et se compose de 3 chaînes polypeptidiques:
Os et collagène de type I
Les différentes chaînes procollagéniques sont
transportées dans le réticulum endoplasmique où elles
sont transformées par des processus enzymatiques dont le principal
est la transformation de la proline en hydroxyproline, sans laquelle le
collagène ne peut apparaître sous la forme d'une triple
hélice. Une autre transformation est l'hydroxylation de certains
résidus lysine en hydroxylysine, indispensables à la formation
de ponts entre différentes molécules de collagène.
Lorsque la structure en triple hélice est obtenue, la molécule
de procollagène est excrétée dans le liquide extracellulaire
où elle est rapidement clivée aux extrémités
N et C terminales par des enzymes spécifiques. Les propeptides d'extension
sont relarguées dans la circulation sanguine dans un rapport
stoechiométrique.
Une portion du peptide N terminal est probablement réincorporée
dans la matrice osseuse. Comme les molécules de collagène de
type I et du peptide d'extension C terminal (P1CP) sont formées
dans un rapport stoechiométrique, le dosage de P1CP permet
d'évaluer la formation du collagène de type I.
La concentration sérique de P1CP semble être
déterminée génétiquement et l'interprétation
du dosage par comparaison à une population de référence
peut être source d'erreurs. La prise en compte des variations individuelles
devrait permettre une meilleure utilisation de ce dosage. De plus, ces taux
sont fortement influencés par la fonction hépatique (13).
Des discordances existantes entre les différents mar queurs de formation
peuvent être le reflet de l'expression de ces marqueurs à des
stades différents de la maturation de l'ostéoblaste
-
phase de prolifération : P1CP,
-
phase de différenciation: PAL-PAO,
-
phase de minéralisation : OC.
MARQUEURS DE RÉSORPTION OSSEUSE
La résorption osseuse peut être évaluée par des
dosages (de molécules)
-
non spécifiques
-
ou spécifiques
-
les pyridinolines,
-
les télopeptides du collagène de type I.
La calciurie
La calciurie à jeun corrigée en fonction de l'excrétion
de la créatinine (indice de Nordin) reflète mieux le
métabolisme osseux que le recueil de 24 heures qui prend en compte
l'absorption intestinale.
Ce marqueur est le reflet de l'aspect minéral de la résorption
osseuse et aussi celui de la fonction rénale (l'insuffisance rénale
entraînant une hypocalciurie).
Le dosage réalisé par des méthodes colorimétriques
est automatisable et peu cher. Il manque de sensibilité pour être
utile à l'échelon individuel dans l'ostéoporose (3).
La phosphatase acide plasmatique résistante à l'acide tartrique
(TRAP)
Les phosphatases acides sont des enzymes lysosomiales présentes dans
l'os, la prostate, les plaquettes, les érythrocyles et la rate.
L'isoenzyme sécrétée par les ostéoclastes
présente la caractéristique d'être résistante
à l'acide tartrique, contrairement à celle prostatique, ce
qui est à la base du dosage enzymatique.
L'utilisation de ce marqueur dans l'ostéoporose est limitée
par son manque de spécificité, par son instabilité due
à la présence d'inhibiteurs dans le sérum et par la
difficulté de conserver les prélèvements même
congelés.
La mise au point d'une méthode immunométrique utilisant des
anticorps spécifiques de l'isoenzyme ostéoclastique devrait
aboutir dans l'avenir à un test plus performant (12).
L'hydroxyproline urinaire
Cet acide aminé est un composant majeur des collagènes (il
représente environ 13% des acides aminés contenus dans les
collagènes). Il est relargué lors de la résorption et
n'est pas réutilisable pour la synthèse de nouvelles
molécules de collagène (1).
Le dosage urinaire, par une technique colorimétrique ou chromatographique,
est effectué avant et après hydrolyse acide afin de doser
l'hydroxyproline libre et totale.
C'est un marqueur peu spécifique car son excrétion peut provenir
de différentes sources:
-
du collagène (osseux ou non osseux),
-
des protéines non collagéniques (fraction Cl q du complément,
élastine),
-
des apports alimentaires (viandes, gélatine).
Il est également peu sensible du fait que l'hydroxyproline ne
représente qu'une faible proportion des molécules relarguées
lors de la dégradation du collagène et du fait d'un important
métabolisme hépatique.
Son dosage tend à être abandonné au profit de marqueurs
plus spécifiques.
Les glycosides de l'hydroxylysine
Il s'agit d'un autre acide aminé caractéristique du collagène
excrété dans les urines après dégradation du
collagène.
Son dosage peut être réalisé par chromatographie liquide
haute pression, actuellement réservée à la recherche.
Les pyridinolines
Les pyridinolines sont des molécules de pontage (crosslinks) qui
stabilisent les chaînes de collagène au sein de la matrice
extracellulaire. Elles existent sous deux formes qui se différencient
par un groupement hydroxyl sur la chaîne latérale :
-
la pyridinoline (PYR-Hydroxylysyle pyridinoline) abondante dans l'os et le
cartilage,
-
la déoxypyridinoline (DPYR-Lysyle pyridinoline) pré dominante
dans le collagène osseux et la dentine,
Métabolisme collagène de type I
Au cours de la résorption de la matrice osseuse par les
ostéoclastes, ces molécules de pontage sont libérées
dans la circulation et ne sont pas réutilisables lors de la formation
osseuse. Elles ne subissent pas de métabolisme significatif et sont
éliminées dans les urines sous forme libre (environ 40%) et
sous forme peptidique (en viron 60%) de différentes longueurs.
Ce rapport libre/lié n'est pas stable et évolue avec l'âge
(diminution de formes liées avec l'âge) avec la nature des
affections métaboliques de l'os et également lors des traitements
anti résorbants.
Le dosage des formes totales après hydrolyse acide ou des formes libres
sans hydrolyse peut être réalisé par chromatographie
HPLC (méthode de référence).
Cette technique sépare les deux composés (PYR et DPYR) mais
reste mal adaptée à la routine. Les pyridinolines peuvent
être également mesurées par méthodes immunologiques
utilisant des anticorps:
Grâce aux progrès technologiques, et en particulier à
l'utilisation d'anticorps monoclonaux (à partir d'antigène
d'origine humaine) qui ont permis l'amélioration de leurs
sensibilité et spécificité, l'intérêt clinique
des marqueurs osseux de résorption a été renforcé
dans l'ostéoporose. Des études récentes ont montré
que les différents traitements utilisés pour atténuer
le remodelage osseux entraînent des effets variables sur les marqueurs
issus des produits de dégradation du collagène. Ainsi, le
Crosslaps sera diminué chez les femmes ménopausées
ostéoporotiques traitées par oestrogènes ou biphosphonates,
alors que la DPYR sera diminuée uniquement chez les femmes traitées
par des oestrogènes (5, 7,10).
FACTEURS À PRENDRE EN COMPTE DANS L'INTERPRÉTATION
DES MARQUEURS OSSEUX
En dehors d'importantes variations intra individuelles limitant l'utilisation
de ces marqueurs à l'échelon individuel, de nombreux autres
facteurs sont à prendre en compte lors de l'interprétation:
L'âge
Chez l'enfant, les concentrations varient en fonction de la vitesse de
croissance. Chez l'adulte, le taux sera un reflet du niveau du remodelage
osseux avec augmentation après 40 ans.
Cette variabilité est aussi liée à une modification
avec l'âge de l'excrétion urinaire des différentes formes
des molécules de pontage du collagène.
L'interprétation doit être faite en fonction de l'âge
et du stade pubertaire (8, 10).
Le sexe
Chez la femme jeune, le taux de marqueurs est un re flet des modifications
hormonales au cours du cycle menstruel.
A la ménopause, ce taux sera influencé par le défi cit
estrogénique. Les normes doivent donc être établies en
fonction du sexe.
Rythme circadien
Les marqueurs osseux sont soumis à un rythme circadien avec un pic
en fin de nuit et un minimum en fin de journée, en particulier pour
les marqueurs de résorption (variations pouvant atteindre 50% pour
la DPYR) (10).
Les normes doivent prendre en compte également les modifications
saisonnières liées à l'homéostasie calcique.
Mode de vie
L'absorption d'alcool, le tabagisme et la caféine s'accompagnent d'une
diminution des taux, tandis que l'exercice physique s'accompagne d'une
élévation de ces derniers.
Pathologie associée
Les taux des marqueurs sont le reflet des mécanismes physiopathologiques
: ils sont élevés dans les pathologies à haut remodelage
osseux et diminués dans le cas inverse. Si une autre pathologie est
associée à l'ostéoporose, il faut en tenir compte pour
l'interprétation des résultats:
- au cours de l'insuffisance rénale, l'accumulation des molécules
normalement éliminées par le rein sera un obstacle à
l'utilisation diagnostique du marqueur (2).
Traitements associés
Au cours des traitements par de fortes doses de corticoides, la phosphatase
alcaline n'est pas diminuée alors que l'ostéocalcine est
effondrée, reflétant la déplétion
ostéoblastique.
De même, les traitements utilisés pour atténuer le remodelage
osseux sont responsables d'effets différents sur les métabolites
du collagène comme nous l'avons déjà vu (4).
CONCLUSION
Les marqueurs biochimiques ont déjà fait
la preuve de leur efficacité dans l'exploration du remodelage osseux
en complément des mesures de la masse osseuse.
Leur utilisation en routine à l'échelon
individuel reste encore un sujet de controverse.
Une bonne connaissance des propriétés
analytiques des techniques et des caractéristiques physiologiques
de la molécule à doser permettrait leur meilleure utilisation,
couplée à l'indispensable dialogue clinicien-biologiste.
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*Laboratoire PASTEUR-CERBA, CERGY-PONTOISE,
France.
**Professeur honoraire de linstitut Pasteur, PARIS .
France.
Journées Internationales de biologie (JIB 98), 21 novembre
1998.
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LEurobiologiste 1999, Tome XXXIII, N0 242 - 15-195/21
- 201
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